Préférence locale et Marchés Publics

Préférence locale dans les marchés publics : le Code des Marchés Publics et le droit communautaire l’interdisent

Le sujet n’a de cesse de revenir sur le tapis : la préférence locale dans les marchés publics. Personnalités politiques de tous bord, entreprises, grand public. Dans un contexte économique national difficile, dans une Europe en pleine mutation, la préférence locale apparaît à beaucoup comme une évidence, et pourtant…

Préférence locale et Marchés Publics - GBS Appel d'offres

Préférence locale : les fondamentaux des marchés publics « bloquants »

  • Liberté d’accès aux marchés
  • Egalité de traitement des candidats

A ce double titre, il est impossible pour un acheteur public d’accorder une préférence locale.

Aller à l’encontre de ces deux fondamentaux est illégal d’une part, et fausserait le troisième : le choix objectif de l’offre économiquement la plus avantageuse (offre la plus intéressante au vu des critères combinés de prix et de qualité. Voir notre article « Le moins-disant n’est pas toujours le mieux-disant : une nuance fondamentale »).

Participer au développement économique du territoire est une priorité, mais cela ne peut se faire au détriment des fondamentaux de la commande publique et du droit communautaire.

Si une discrimination est impossible au cours d’une procédure de passation d’un marché public, certains critères induisent de fait un « avantage qualitatif » pour les locaux. En voici quelques exemples :

Critères intrinsèques au contenu du marché

Une collectivité qui doit recourir à un prestataire externe pour rédiger son bulletin municipal, ou pour l’accompagner dans sa stratégie de communication ne peut confier cette tâche qu’à un candidat local : la connaissance fine de l’environnement, sa propension à comprendre les enjeux, à réagir rapidement est l’essence même du marché.

 

Critères de délais d’intervention

Pour un contrat de maintenance électrique, la réactivité du titulaire du marché est essentielle : l’acheteur notera mieux un candidat capable d’intervenir sous 30 minutes en cas d’urgence, qu’un autre qui proposera un délai incompressible de 5 heures.

Dans le cadre d’un marché de transport à la demande (ou encore de transfert de patients), le candidat dont les véhicules affectés sont proches sera plus réactif qu’un candidat plus éloigné : il en va de la qualité du service rendu, de la santé des patients…

Ou encore un contrat de sécurité impliquant des interventions de levée de doute : comment réagir rapidement en se trouvant éloigné du site ?

L’aspect logistique peut également favoriser un candidat local. Par exemple dans le cadre d’un marché de formation présentielle technique dans les locaux du candidat (CACES par exemple), si le centre proposé est situé à l’autre bout du pays, ou en dehors de frontières, l’acheteur devra en sus du marché de formation, financer le déplacement des stagiaires, ce qui va à l’encontre de l’intérêt économique général (notion de coût global de l’achat).

 

Critères relevant de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises)

Critères environnementaux :

Les critères environnementaux peuvent avoir un effet important : la limitation de l’impact du candidat géographiquement proche sur l’environnement peut lui valoir une meilleure qualité d’offre (limitation du transport et de ses conséquences, ressources naturelles à proximité, limitation du stockage, réduction du prix de revient et donc du prix de vente par suppression d’intermédiaires/d’étapes logistiques…).

Les notions de circuit court, d’alimentation biologique, et de produits à faible impact environnemental (LOI n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche (1) ) impliquent que les denrées (faiblement ou non traitées) doivent être consommées rapidement et ne peuvent donc faire l’objet d’un stockage et d’un transport prolongé : c’est un facteur qui implique souvent la localisation proche du producteur, pour fournir les cantines et services de restauration collective (hôpitaux, EPAD) par exemple. Conscient de la difficulté de relever les objectifs fixés au vu des contraintes du droit communautaire (et du Code des Marchés Publics), le Ministère de l’Agriculture a publié un guide à l’usage, entre autres acteurs de la restauration collective, des acheteurs publics, « coincés » par les fondamentaux du Code des Marchés Publics.

Critères sociaux :

Les acheteurs publics peuvent s’appuyer également sur la possibilité de réserver certains marchés à des entreprises adaptées, des structures d’insertion par l’activité économique ou encore des entreprises de l’économie sociale et solidaire.

Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics – Articles 36 et 37  – Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics – Articles 13 et 14 

Ces marchés réservés, s’ils ne constituent pas un « levier » de préférence locale à proprement parler, sont des outils efficaces et responsables, lorsque de telles structures sont développées sur le territoire. C’est également un moyen de valoriser ces structures, d’encourager leur création et de participer à leur fonctionnement.

Conséquences d’une préférence locale impossible

La position d’un acheteur public n’est pas simple : d’un côté, il doit satisfaire l’intérêt général en tenant compte des contraintes imposées par le Code des Marchés Publics et du droit communautaire, d’un autre côté, il doit faire face au désarroi des entreprises de son territoire, tout en les accompagnant au mieux pour résoudre leurs problématiques… également dans l’intérêt général

C’est un véritable casse-tête, notamment pour les collectivités territoriales, au plus proche des difficultés des entreprises locales, quel que soit leur secteur d’activité. L’agriculture et le BTP sont parmi les secteurs les plus nettement impactés par l’ouverture des marchés, car comme nous l’avons vu, les sociétés de services de proximité disposent de cet argument.

Pour pallier ces difficultés, les entreprises prennent conscience de la nécessité économique – sinon éthique – de développer une politique RSE permettant de prendre l’avantage et d’accroître la qualité de leur offre. Mais n’est-ce pas là une illustration palpable que les entreprises sont riches de leur capacité d’adaptation aux mutations économiques et aux réalités de terrain ?

Nous travaillons chaque jour auprès d’entreprises qui ont décidé de se donner les moyens de dépasser ces obstacles : c’est avec ferveur que nous les accompagnons dans cette démarche !

 

Article connexe : les dépenses de campagne présidentielle non soumises au Code des Marchés Publics (un potentiel de préférence locale ?…)