Marchés Publics et campagne présidentielle

Marchés Publics et campagne présidentielle

Marchés Publics et campagne présidentielle

L’affaire Bygmalion a soulevé (à nouveau ?) un questionnement : pourquoi les dépenses électorales ne sont-elles pas soumises au Code des Marchés Publics, alors que les fonds qui la financent sont en grande partie publics ? Marchés Publics et campagne présidentielle, un point de vue parmi d’autres :

L’article 10.2.a de l’ordonnance du 24 juillet 2015 désigne comme « pouvoir adjudicateur », donc soumis au CMP, toute personne morale de droit privée financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur.

Financement de campagne, dans les faits…

Financement public (Etat) des campagnes dont les comptes ont été approuvés (loi organique du 28 février 2012):

Plafonds de dépenses, arrêtés pour la campagne présidentielle 2017 :

  • 16,851 millions d’euros pour le premier tour
  • 22,509 millions d’euros pour les deux candidats du second tour

Remboursements forfaitaires arrêtés pour cette campagne (sous réserve d’approbation des comptes sans réserve) :

Premier tour :

– 5 % des voix : remboursement forfaitaire de 4,75% du plafond, soit 791 997 €

+ 5% des voix : remboursement forfaitaire jusqu’à 47,5% du plafond, soit 8 004 225 €

Second tour :

Jusqu’à hauteur de 47,5% (pratique !*) du plafond de dépenses, soit  10 691 775 €, mais qu’en est-il des campagnes ayant des dépenses inférieures au plafond ?

Rappel des candidats au second tour :

21,8 millions d’euros pour François Hollande : 10 691 775 / 21 800 000 = 49,04 % remboursés

Avant décision du Conseil Constitutionnel : 21,3 millions pour Nicolas Sarkozy : 10 691 775 / 21 300 000 = 50,19 % de remboursement potentiel par l’Etat (plus de la moitié, donc).**

 

Exemples de candidats du premier tour :

Jean-Luc Mélanchon : 9,51 millions d’euros pour 11,1% des voix soit… 8 004 225 euros remboursés !

Marine Le Pen : 9,09 millions d’euros pour 17,9% des voix soit… 8 004 225 euros remboursés !

François Bayrou : 7,04 millions d’euros pour 9,13% des voix… 5 981 729 € remboursés !

Certes, on ne peut prévoir avec certitude qui passera ou non le premier tour, ou encore quel sera le scrutin final (donc le montant du remboursement). Indépendamment de toute considération politique, au vu de la hauteur potentielle du remboursement, la part de financement public, sans même compter les candidats du premier tour, n’est-elle pas suffisamment conséquente pour soumettre les dépenses électorales au CMP ? La question se pose…

…Mais ce n’est pas la seule. En effet, l’article 10.2.b de la même ordonnance désigne comme « pouvoir adjudicateur » les personnes morales de droit privé soumise au contrôle d’un pouvoir adjudicateur.

L’approbation des comptes de campagne par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques conditionne le remboursement, partiel ou quasi-total de l’Etat !

Alors ?

Alors, les dépenses de campagnes ne sont pas soumises au CMP, dommage !

Doit-on également préciser que l’Etat prend en charge les frais de la campagne officielle télévisée et radiodiffusée, les frais d’impression et de mise en place de la profession de foi, les frais d’impression et d’apposition des affiches officielles aux emplacements officiels ? Il semble inutile d’en rajouter…

Pour la campagne présidentielle 2017, cela représentait 74,2 millions d’euros (tous candidats confondus) à répartir sur des candidats aux appels d’offres. Cela aurait sans doute évité certaines des affaires qui engendrent la défiance des citoyens, fragilisent les opérateurs économiques et qui alimentent des convictions contre lesquelles il est toujours plus difficile de lutter, avec toute la bonne volonté du monde !

A l’heure où les candidats à la Présidence prônent l’exemplarité, la dynamisation économique, la transparence, la simplification, et nous encouragent à voter utilement… Nous les entendons, et nous les encourageons en retour à se pencher sur la question de leur propre soumission aux règles du CMP, qu’ils transposent, imposent, remanient, améliorent… (pour les autres ?)

Ce serait un signal fort d’exemplarité et de transparence pour notre prochain Président d’ouvrir le débat, et de permettre à toute entreprise de « participer » à la campagne en qualité de titulaire d’un marché public : la perche est lancée !

Notes 

* la loi organique du 28 février 2012 a, en ce sens, « lifté » fortuitement la loi du 6 novembre 1962… Extrait :

[La loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel est ainsi modifiée :

1° A la première phrase du troisième alinéa du V de l’article 3, les mots : « au vingtième » et « à la moitié » sont remplacés, respectivement, par les mots : « à 4,75 % » et « à 47,5 % »]

Il faut dire qu’à « la moitié », la soumission au Code des Marchés Publics n’était pas loin… Heureux hasard !

**Par Décision n° 2013-156 PDR du 4 juillet 2013, le Conseil Constitutionnel arrêtera les dépenses à 22 975 118 €, donc supérieures au plafond fixé, excluant le remboursement de l’Etat.

Sources chiffres campagne présidentielle 2017 :

Légifrance : JORF n°0025 du 30 janvier 2013

Conseil Constitutionnel : Décision n° 2013-156 PDR du 4 juillet 2013

Illustration : Eugène Delacroix – La liberté guidant le peuple – 1830

 

Le contre-argument

Un élu a réagi et son point de vue m’est apparu intéressant :

Les dépenses de campagne sont déjà très difficiles à gérer : des dépenses connexes qui pourraient être assimilées à des dépenses de campagne sont intégrées aux comptes afin de sécuriser la validation de ceux-ci. Cela s’agrège aux dépenses totalement dédiées. Si on ne le fait pas, les comptes peuvent être redressés. Si on le fait, l’enveloppe augmente. Si une procédure devait être lancée pour chaque dépense de campagne, ce serait encore plus compliqué.

J’extrapole également qu’un choix objectif de l’offre la plus économiquement avantageuse pourrait avoir des conséquences désastreuse si les prestations étaient « sapées » par le titulaire au motif de divergences d’opinion par exemple…

Et cet élu de renchérir que puisqu’elles ne sont pas soumises au CMP, pourquoi ne pas imposer une préférence locale dans les dépenses de campagne électorales ?

L’idée est lancée !

Article connexe : Préférence locale et marchés publics

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