Les chroniques : Marché public 100% prix
Marché public 100% prix ou “Mon budget m’a tuer”
Oui, cela existe, les marchés publics 100% prix. Cela veut dire que le seul critère de sélection est le prix de l’offre.
Nous croisons parfois ce type de marchés, à juste titre (voir les conditions indiquées au décret 2016-360). Schématiquement c’est le cas :
- Lorsque seul un produit est demandé, qu’il est facilement disponible et que les standards sont sur le marché.
- Pas de véritable différenciation possible au niveau du service apporté par le fournisseur (encore que, ça se discute !).
Même si ce que nous appellerions « la révolution de 2006 » (transformation profonde du Code des Marchés Publics, introduisant la notion de « mieux-disant », permettant le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse en fonction de multiples critères adaptés à chaque achat), a permis d’éviter l’achat par contrainte (de prix), certains en sont peut-être nostalgiques ?
Car nous croisons aussi le 100% prix dans des circonstances bien moins adéquates hélas…
L’anecdote
Dernièrement, une petite commune a passé un marché 100% prix pour… des travaux !
Vous n’en croyez pas vos yeux ? Nous non plus !
Nous découvrons alors avec stupeur le dossier de consultation :
Un CCTP listant, en guise de spécifications attendues, une vague description des besoins, de type « un éclairage » (si si !!)… et c’est tout. Aucun plan, aucun descriptif technique…
Notre client étant un entrepreneur du bâtiment prudent et sérieux, nous lui prenons un RDV de visite (non évoquée dans le DCE).
Notre interlocuteur nous explique qu’il ne pensait pas qu’autant de candidats souhaiteraient visiter…
Durant la visite, on nous demande d’installer ceci, d’améliorer cela, de bien penser à faire en sorte de rendre l’installation la plus pratique possible… Notre client explique qu’en l’état, au vu des demandes du cahier des charges, rien de ce qu’on vient de lui demander n’est possible, et qu’avec une note en 100% prix, chaque entreprise va proposer du bas de gamme, et qu’on ne pourra pas lutter avec un produit ou un service de meilleure qualité…
Le directeur des services techniques, dépité, convient qu’il ne pourra pas en vouloir aux candidats de proposer le prix le plus bas. Et qu’on lui proposera probablement la prestation la plus “vite faite”…
Si nous tirons un petit bilan de ce marché public 100% prix…
La commune souhaitait, semble-t-il, minimiser le budget, et a donc tout misé sur le critère de prix : 100%
De plus, le besoin n’a pas été suffisamment détaillé : les candidats ont donc toute latitude pour proposer un produit bas de gamme. Voire de très mauvaise qualité. Ce qu’ils ont même intérêt à faire pour décrocher le marché. (aïe)
Le besoin étant trop largement défini, il sera impossible d’écarter les offres présentant des caractéristiques non souhaitées, car elles ne sont pas mentionnées au DCE. L’acheteur sera contraint de choisir l’offre la plus basse, quoi qu’il arrive… Ou de relancer une (coûteuse) procédure !
Si la procédure va à son terme, les services techniques ne seront pas satisfaits de la prestation achetée. En effet, elle ne correspondra pas au besoin, et deux options s’offriront donc à eux : se satisfaire d’une prestation inadéquate ou… commander des travaux supplémentaires, qui vont gonfler le budget final !
On marche sur la tête ? Oui oui…